Le champagne, un vin d’exception magnifié par de multiples flacons
Le champagne est un symbole de partage et de raffinement dont les maisons portent fièrement l’étendard par-delà les frontières. Bouteille, Jéroboam, Primat… découvrez les multiples types de bouteilles de vin de Champagne qui gardent précieusement ce savoir-faire.
L’apprentissage de la mise en bouteille du « vin du diable »
La postérité accorde à l’érudit moine Bénédictin Dom Pérignon, l’origine au XVIIème siècle de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de « méthode champenoise ».
À cette époque, les procédés de mise en bouteille et de conservation de ce vin effervescent n’étaient pas encore maîtrisés. Inachevée lors de la mise en bouteille, la fermentation continuait à l’intérieur de celle-ci, pouvant occasionner l’explosion de la bouteille de champagne. Afin de se protéger, les ouvriers devaient porter un masque de fil de fer pour traverser les caves. Le procédé d’élaboration de ce vin effervescent surnommé alors « vin du diable » était donc dangereux mais également très couteux.
Embouteillés peu de temps après la vendange, ces vins présentaient à leur arrivée, notamment en Angleterre via le Port de Rouen, cette effervescence caractéristique qui fit leur succès outre-Atlantique.
Le champagne, une vinification singulière
À l’instar d’autres régions viticoles où la mise en bouteille est réalisée à la fin de l’élevage, la singularité champenoise réside à l’intérieur de la bouteille de champagne, où ce savoir-faire unique est magnifié tout au long du processus de vinification. Vin tranquille sans bulle à l’origine, c’est par le biais d’une seconde fermentation qu’il devient pétillant. L’élaboration de cuvées d’exception ayant fait la notoriété de nombreuses maisons est une conjugaison de plusieurs étapes, alliant rigueur et savoir-faire.
De la vendange à la définition de l’assemblage
Ramassés à pleine maturité, les raisins font l’objet d’un pressurage en douceur afin d’extraire avec délicatesse les jus et les arômes. La première fermentation, réalisée sous l’impulsion des sucres contenus dans les jus et des levures présentes sur la pellicule entourant la peau des raisins, permet d’atteindre un degré d’alcool suffisant.
Au printemps, chaque maison décide de l’assemblage des cuvées, suite à la dégustation des différents moûts par le Chef de Cave et un comité dédié. Une fois l’assemblage des vins tranquilles effectué, vient le temps de la seconde fermentation.
Le tirage en bouteille : la prise de mousse
C’est grâce à une seconde fermentation que l’on obtient un vin effervescent. Comme lors de la fermentation alcoolique les levures et le sucre ont été entièrement consommés, une liqueur de tirage est ajoutée. Composée de sucre de betterave ou de canne entièrement dissous en raison de 20 à 24g/l, cette liqueur est également composée de levain et d’un adjuvant de remuage.
La mise en bouteille est interdite, selon le cahier des charges, avant le 1er janvier de l’année suivant la vendange. Le transvasage est une pratique également interdite, le vin doit être mis en bouteille dans le flacon qui sera ensuite commercialisé.
Des caractéristiques sensorielles se développant dans l’ombre des caves souterraines
Bouchés par la suite via une méthode spécifique, les bouteilles de champagne sont allongées sur lattes au sein de caves souterraines. La consommation du sucre par les levures forme un dépôt (les lies) dont les molécules interagissent avec le vin et développent les arômes propres à chaque cuvée.
Si le cahier des charges de l’AOC règlemente un temps minimum de maturation sur lies d’une durée de 12 mois, en pratique cette maturation varie selon les maisons et les types de cuvées. De 2 à 3 ans pour les cuvées non millésimées, ce temps peut être de 4 à 10 ans pour les cuvées millésimées. En Europe, du point de vue légal, les vins de Champagne sont ceux qui connaissent le temps de maturation le plus long.
Le remuage : une spécificité de la tradition champenoise
Le remuage des bouteilles de champagne permet, par le passage progressif des flacons de la position allongée à la position tête en bas (sur pointe), de concentrer dans le goulot les dépôts qui se forment pendant la prise de mousse et le temps de maturation.
Deux dernières étapes cruciales, le dégorgement et le dosage
Le dégorgement vise à éliminer les dépôts concentrés dans le goulot de la bouteille. Une fois le dégorgement réalisé, les producteurs peuvent ajouter une « liqueur de dosage », composée de sucre de canne dissous dans le vin. La quantité de liqueur de dosage varie en fonction du style désiré. La bouteille est sans conteste l’un des éléments phares de l’identité du champagne, tout au long de son élaboration jusqu’à sa commercialisation.
La bouteille de champagne, plus qu’un esthétique, une signature de chaque maison
À la recherche de la forme idéale
La bouteille de champagne est le premier vecteur de communication de toute maison. Par sa forme, sa couleur ou encore son étiquette, chaque bouteille de champagne recèle l’histoire d’un terroir, d’un savoir-faire et d’une marque aux illustres figures.
« Mon four ne travaillera que pour vous et je m’engage à ne donner votre forme à aucune autre Maison ». Datant d’octobre 1831, cette correspondance entre la Verrerie Darche (commune d’Hautmont) et Madame Clicquot, à la tête de la maison éponyme, atteste de l’intérêt porté, tant par les maisons que les verreries, à ce que la forme de la bouteille de champagne soit un élément distinctif majeur.
Si aujourd’hui la fabrication de bouteilles de champagne est réalisée par soufflage mécanique au sein d’usines dotées d’outils à la pointe de la technologie, des écrits relatent les nombreuses recherches concernant la forme des bouteilles jusque dans les années 1870. Champenoise ou d’autres régions, chaque verrerie élabore à l’époque des moules spécifiques afin de créer des bouteilles esthétiques tout en étant résistantes à la pression. En effet, la qualité première d’une bouteille de champagne est sa solidité, étant conçue pour résister à une forte pression, notamment au cours de la seconde fermentation ainsi qu’à l’étape du dégorgement.
Si les bouteilles de vin de Bordeaux et de Bourgogne pèsent vides 500 gr maximum, la bouteille de champagne pèse aujourd’hui 900g, contre 1,2 kg au début du XXème siècle.
La « champenoise » est traditionnellement translucide et de couleur verte foncée. La partie supérieure du goulot comprend la bague, qui permet de fixer le bouchon via un muselet. L’épaulement facilite, par sa forme peu prononcée, le mouvement du dépôt lors de l’étape du remuage. Le jable est la partie épaisse sur laquelle repose la bouteille de champagne.
Sous la bouteille se trouve une cavité conique, la piqûre. Présente depuis l’origine de la bouteille de champagne cette piqûre aurait, selon les sources, plusieurs fonctions avant la mécanisation de la fabrication des flacons. Ajuster la capacité du contenant, obtenir une meilleure résistance mécanique à la pression, la piqûre aurait été utilisé également pour faciliter la disposition des bouteilles sur lattes ou encore pour maintenir la bouteille droite sur un socle dédié lors du travail manuel de finition suite au soufflage.
Le bouchon en liège, garant de la qualité des vins de Champagne
Utilisé exclusivement à base de liège en Champagne, le bouchon garantit une parfaite étanchéité du vin et une conservation optimale de l’ensemble de sa palette aromatique. À leur fabrication, les bouchons dédiés aux bouteilles de champagne ont la même forme que ceux utilisés pour les vins tranquilles. Ce n’est qu’au moment de la mise en bouteille que ces bouchons en liège prennent la forme caractéristique s’apparentant à un champignon.
Une partie du bouchon, située à l’extérieur du goulot, est en effet écrasée par une machine à embouteiller, puis maintenue par une « cage » métallique nommée muselet. Particulièrement appréciée de l’Empereur Napoléon, la Maison de Champagne Jacquesson est à l’origine du brevet du muselet déposé en 1844. La capsule métallique, portant le nom ou les armes de la maison, protège le bouchon du muselet.
Se différencier par la forme ou la couleur du verre
Certaines maisons ont fait, tant de la forme que de la couleur de bouteilles de champagne un élément distinctif reflétant leur état d’esprit pionnier.
Première maison fondée en 1729, Ruinart incarne aux quatre coins du monde l’excellence d’un art de vivre à la française, avec des flacons aux formes et aux teintes singulières. Si la transparence d'une bouteille de Ruinart Blanc de Blancs magnifie sa robe jaune pâle aux reflets dorés, la teinte verte de la bouteille de champagne R de Ruinart dévoile lors de la dégustation une robe jaune, brillante, parée de subtils reflets couleur or.
Fondée en 1776 à Reims, la Maison Louis Roederer élabore ses cuvées à la manière d’une œuvre d’art. Icône de la maison, la Cuvée Cristal, créée pour la première fois en 1876 pour le Tsar de Russie, séduit tant par sa qualité que par la délicatesse de sa bouteille translucide magnifiant une lumineuse robe dorée.
Avant-gardiste, la Maison Laurent-Perrier présentes ses cuvée Rosé ou encore Grand Siècle dans des bouteilles de champagne aux lignes singulières. La couleur d’un flacon peut également garder précieusement le secret de son contenu. 24 itérations de la Cuvée Grand Siècle ont été créées depuis son lancement en 1959. Chacune de ces Itérations est présentée dans une bouteille sombre, mystérieuse, révélant une robe intense dont les superbes reflets dorés séduisent par leur brillance.
L’étiquette d’un champagne, le souci de l’esthétique et au-delà…
L’étiquette d’une bouteille de champagne va plus loin que l’aspect esthétique. Véritable étendard, reconnaissable par-delà les frontières, l’étiquette porte fièrement le nom, les valeurs et l’histoire de chaque maison.
Fondée en 1772, la Maison Veuve Clicquot Ponsardin devient particulièrement célèbre grâce à Madame Clicquot. La maison grave pour l’éternité son souvenir en habillant ses bouteilles d’une étiquette ornée de sa signature et d'une couleur emblématique : le fameux jaune Clicquot.
Les bouteilles de champagne de la Maison Perrier-Jouet sont reconnaissables par leur design novateur. Alors que le début du XXème siècle prône l’Art Nouveau, Henri Gallice, président de la Maison Perrier-Jouët, confie à son ami et artiste Émile Gallé, le soin de dessiner une bouteille dont les anémones blanches deviendront l’emblème intemporel de la marque.
La rencontre d’un savoir-faire et des arts
La recherche constante d’innovation et d’excellence est l’une des caractéristiques fortes de la Champagne. Au travers de partenariats ingénieux, de grandes maisons champenoises allient leur savoir-faire ancestral à la modernité de leur époque. Le chanteur Lenny Kravitz, le designer Tokujin Yoshioka, l’artiste Jeff Koons… Dom Pérignon, l’une des marques emblématiques de la Champagne, fait de chaque partenariat un évènement et de chaque bouteille de champagne une expression artistique singulière.
D’autres maisons font également de ces partenariats des moments forts de leur histoire. Si la Maison Pol Roger a créé une cuvée rendant hommage à Sir Winston Churchill, Bollinger a fêté en 2019 ses 40 ans de partenariat avec l’agent secret James Bond. Plus récemment la Maison Roederer a paré son Brut Nature du design de Philippe Starck. Depuis 1983, chaque cuvée millésimée de la Maison Taittinger est une rencontre entre la maison et un artiste contemporain. La bouteille ainsi que la capsule deviennent sources d’inspiration et supports d’expression artistique.
Le champagne, une mosaïque de grands formats
S’il existe un champagne pour célébrer chaque évènement, il existe alors une taille de bouteille de champagne à la hauteur de chaque célébration.
Melchisedech (ou Midas) : 30 litres (soit 40 bouteilles)
Primat : 27 litres (soit 36 bouteilles)
Salomon : 18 litres (soit 24 bouteilles)
Nabuchodonosor : 15 litres (soit 20 bouteilles)
Balthazar : 12 litres (soit 16 bouteilles)
Salmanazar : 9 litres (soit 12 bouteilles)
Mathusalem : 6 litres (8 bouteilles)
Réhoboam : 4,5 litres (soit 6 bouteilles)
Jéroboam : 3 litres (soit 4 bouteilles)
Magnum : 1,5 litres (soit 2 bouteilles)
Bouteille : 75 cl
Demie ou Fillette : 37,5 cl
Afin de se rendre compte de ces tailles de bouteilles de champagne, prenons comme exemple deux grands formats. Le Salomon (18 litres soit 24 bouteilles) pèse 43 kilos et mesure 85 cm de hauteur sur 23 cm de large. Le Primat (27 litres soit 36 bouteilles) pèse 65 kilos et mesure 1 mètre de hauteur sur 26 cm de large.
Seuls les champagnes en bouteille, Magnum et Jéroboam ont fait l’objet d’un vieillissement dans leur flacon d’origine. Les bouteilles de champagne d’une contenance de plus de 3 litres ont vieillit dans un premier temps en bouteille puis ont fait l’objet d’un transvasement dans le flacon final après élaboration.
D’où proviennent les noms de ces grandes bouteilles de champagne ?
Les noms des différentes tailles de formats de bouteilles de champagne ont une origine biblique.
Jéroboam porte le nom de deux rois, dont le premier fonda le royaume d’Israël et régna de 933 à 910 avant Jésus-Christ. Pierre Mitchell, industriel au sein de la verrerie royale de Bordeaux, créa ce format en 1725.
Réhoboam fait référence au Roi de Juda, qui fut à l’origine de la séparation du royaume d'Israël en deux royaumes rivaux.
Mathusalem fait référence à l’aïeul de Noé. Il aurait vécu jusqu’à 969 ans et serait à l’origine de la plantation des premières vignes.
Salmanazar fait référence aux cinq rois d’Assyrie ayant porté ce prénom. Le roi Salmanazar III, grand guerrier, marqua l’histoire par ses multiples campagnes militaires et sa réputation de grand bâtisseur.
Balthazar peut, selon les sources, faire référence d’une part à l’un des rois mages venus à la rencontre de Jésus-Christ après sa naissance. Il peut également tirer son nom du dernier roi de Babylone, connu pour avoir été vaincu par Cyrus (Roi des Perses) alors qu’il festoyait. De cette défaite est tirée l’expression “festin de Balthazar” pour définir un repas fastueux.
Nabuchodonosor fait référence à Nabuchodonosor II, dit “le Grand”, connu pour avoir régné sur Babylone et avoir assiégé Jérusalem en 597 après Jésus-Christ.
Salomon est le nom du prophète et Roi d’Israël de 970 à 931 avant Jésus-Christ.
Melchisédech est cité dans le Livre de la Genèse en tant que Roi de Salem et Grand prêtre.
Comment conserver une bouteille de champagne dans de bonnes conditions ?
Les bouteilles de champagne doivent être stockées dans un lieu dont la température demeure entre 12 et 14°C. Une température un peu trop élevée peut accélérer l’évolution du vin et dégrader ses arômes. Une température légèrement trop basse risque de freiner le processus naturel de vieillissement du vin, voir même de le figer.
L’hygrométrie (la mesure du taux d’humidité de l’air) idéale pour un effervescent est d’environ 80%. Un air trop humide peut développer des moisissures pouvant, suite à un contact prolongé avec le bouchon, détériorer le vin. Un air trop sec risque, au contraire, d’assécher le bouchon, laissant s’évaporer du liquide et accélérant l’oxydation du vin.
Certaines odeurs peuvent, au travers du bouchon, se transférer au vin. Sortir les bouteilles de leur carton d’emballage et les positionner à plat à bonne distance de sources d’éventuelles odeurs (palettes traitées, citerne à mazout) est recommandé. Notes de réduction, de chou-fleur cuit ou de laine mouillée…. le « goût de lumière » peut apparaitre après un contact prolongé entre une bouteille et une lumière artificielle. Pendant sa conservation mais également lors du service, couvrir la bouteille avec un linge ou un film protecteur est une précaution importante.
L’art du service
Sabrer ou sabler une bouteille de champagne ?
« Sabrer » signifie ouvrir une bouteille de champagne en cassant son col à l'aide d'un couteau ou autre objet tranchant. L’onde de choc, combinée à la pression du vin dans la bouteille, éjecte le bouchon et le muselet.
Historiquement, « sabler » signifie couler rapidement de la matière en fusion dans un moule en sable. Si cette expression se rapportait à « boire d'un trait » son verre, elle s’apparente aujourd’hui à fêter un évènement avec ses amis ou sa famille.
Comment bien ouvrir une bouteille de champagne ?
Afin de préserver les bulles et la saveur qui font le charme d’un bon champagne, il faut tourner la bouteille de champagne autour du bouchon et non l’inverse, puis retirer délicatement le bouchon et servir dans un verre incliné à 45°. Un bouchon enlevé de manière trop rapide occasionne le jaillissement d'un jet mousseux. Ce phénomène de « gerbage » est dû à une concentration excessive de bulles.
Quelle est la température de service idéale pour un vin effervescent ?
La température idéale de service pour un champagne est de 6 à 9°C. Servir un vin effervescent à une température trop basse risque de limiter son expression aromatique lors de la dégustation.
Pourquoi carafer un champagne ?
La possible perte d’effervescence suite au carafage est une idée reçue. Le carafage magnifie la matière et la richesse aromatique du vin.
Sous toutes ces formes et quel qu’en soit le format, la bouteille de champagne et à l’image du vin qu’elle renferme précieusement, un témoin d’une histoire ancestrale magnifiée par un savoir-faire unique.