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À LA CONQUÊTE DE L'OUEST

Hortense-Bernard-picture
SAGA MILLESIMA: EPISODE 4

En 2006, Millésima s’apprête à s’implanter dans un douzième pays : les États-Unis. Disposant désormais de positions très solides dans chacun des 11 pays les plus importants d’Europe de l’Ouest, l’entreprise a décidé d’aller chercher des relais de croissance dans d’autres zones géographiques. Les États-Unis sont intéressants à plusieurs titres : leur économie est en croissance forte, ce qui n’est pas le cas en Europe ; les Américains ont un goût prononcé pour les grands vins et leur consommation est en hausse régulière ; surtout, le « Three Tier System » qui bloquait le développement de la vente de vins par correspondance a été abrogé par la Cour Suprême en 2005.

Etats Unis Millésima

Le système des licences aux États-Unis

Jusqu’alors en effet, le « Three Tier System » obligeait toute entreprise désirant vendre des spiritueux sur le sol américain à passer par un importateur qui lui-même devait vendre à un grossiste qui vendait à un détaillant. Au final, il fallait donc obtenir 3 licences différentes, sachant que chacune de ces licences est exclusive : un détaillant ne peut pas avoir d’autre licence que celle de détaillant.
Tout change donc en juillet 2005 lorsqu’une des plus grosses chaînes de distribution américaine, CostCo, attaque le Three Tier System et gagne son procès. « De nombreux États autorisent désormais les établissements vinicoles à distribuer eux mêmes leurs vins directement aux détaillants et à contourner l’intermédiaire du grossiste », indique le jugement . La brèche est ouverte : Millésima peut s’installer sur le sol américain.

Patrick Bernard décide de solliciter une licence de vente de Vins et Spiritueux pour l’État de New York et propose à Roger Bohmrich, directeur marketing de Frederick Wildman, avec qui il s’entend très bien, de s’associer avec lui. Francophone, Roger Bohmrich est aussi l’un des premiers Américains à avoir obtenu le diplôme de Master of Wine, l’une des plus hautes distinctions en la matière. Roger Bohmrich se montrant très intéressé, Patrick Bernard crée dès la fin de l’année 2005 « Millesima US », une société de statut LLC (Limited Liability Company), dont le capital, qui s’élève à un million de dollars, est divisé entre Millésima (90%) et Roger Bohmrich (10%), ce dernier étant également le managing director de la filiale.

New York

La difficile obtention de la licence

Pour obtenir une licence de vin au détail, Millésima doit prouver à la SLA (Spirit Licence Administration), département de la Food and Drugs Administration, qu’elle opère bien en tant que société de B to C en France et en Europe. Elle doit également ouvrir un showroom ou un magasin dans l’État de New York pour se mettre en conformité avec la loi américaine qui veut que, lorsqu’une entreprise vend à des particuliers sur internet, ses clients aient la possibilité de la rencontrer physiquement afin de pouvoir « juger sur pièces ». Millésima s’installe dans un local au nord de l’État de New York, à Dobbs Ferry, banlieue huppée en bordure de l’Hudson. Malgré les apparences, le lieu s’avère peu approprié à une activité commerciale car le quartier est essentiellement résidentiel. À vrai dire, cela importe peu à Patrick Bernard pour qui ouvrir un point de vente est une pure formalité administrative : l’important, ce sont les ventes en ligne. Il changera pourtant d’avis deux ans plus tard, ayant pris conscience de l’importance que véhicule l’image d’une boutique, et Millésima US achètera une cave à Upper East Side, 2e avenue – un quartier chic et élégant, qui est aussi le district le plus riche de New York.

Lorsque Millésima lancera Millésima La Plage en 2018, application mobile « localisée » au Cap Ferret, Fabrice Bernard et son équipe reproduiront en quelque sorte la même erreur : la boutique étant une « façade » – le plus important est de récupérer les mails des clients –, sa localisation sera assez mal choisie. L’année suivante, Millésima corrigera le tir et installera sa cave à un emplacement bien plus adéquat, ce qui lui permettra de gagner de la clientèle. Patrick Bernard conclut : « Fabrice et moi avions tous les deux oubliés le dicton du fondateur de la chaîne Hilton, sur les trois conditions sine qua non de la réussite d’un hôtel : premièrement l’emplacement, deuxièmement l’emplacement et troisièmement l’emplacement. »

Le 2 mai 2006, les avocats que Patrick Bernard avait mandatés auprès de la SLA lui annoncent que la licence est accordée. On lui demande simplement d’attendre la réception du document officiel avant d’entamer son activité commerciale. Mais le temps passe et le fameux papier n’arrive pas… Patrick Bernard est à nouveau convoqué devant le « tribunal » de la SLA. Lors de cette seconde session, l’assesseur refuse d’accorder l’autorisation promise. Patrick Bernard revient une troisième fois : même résultat, l’autorisation est refusée, sans aucune justification. Comment un tel revirement de situation est-il possible ? Afin d’en avoir le cœur net, Patrick Bernard décide de faire appel à Kroll, un cabinet d’investigation. Il n’en aura finalement pas besoin : en passant par l’intermédiaire du dean (une sorte de « juge de paix ») du droit des licences de New York, l’affaire est rapidement réglée. Le 20 novembre 2006, Millésima obtient enfin la licence tant attendue.

Le développement de la filiale américaine

Malgré ses airs de « sésame », l’obtention de la licence ne permet pas à Millésima de s’imposer rapidement sur la scène new-yorkaise et américaine. L’activité stagne et Roger Bohmrich se montre assez sceptique sur le développement des ventes en ligne. Il estime qu’il serait plus profitable d’investir massivement dans les caves aux États-Unis. Pour Patrick Bernard, cela va complètement à l’encontre de la stratégie et du modèle de Millésima. La divergence de vue entre les associés devient vite intenable. Patrick Bernard rachète les parts de son associé et place Hortense, une de ses filles, à la tête de la filiale américaine.

Cave Millésima

Hortense Bernard connaît assez intimement l’entreprise familiale – « le cinquième enfant de la famille », comme elle se plaît à dire. Ses parents ont toujours beaucoup parlé de Millésima à la maison ; elle a fait à plusieurs reprises les vendanges au château Peyrabon ; étudiante, elle a représenté Peyrabon sur des salons. En 2010, elle part en VIE (Volontariat International en Entreprise) chez Millésima US. Elle est assez vite frappée du fait que la filiale ne fait que « vivoter » alors que les États-Unis sont globalement en avance sur l’utilisation d’Internet et sur la vente en ligne.

Lorsque son père se sépare de Roger Bohmrich et qu’elle prend la tête de Millésima US, Hortense est convaincue qu’elle peut mettre en place un terreau favorable pour accroître l’activité du site internet américain. Elle y croit. De fait, les ventes sur internet décollent assez rapidement, tandis que la boutique continue à se développer. En parallèle, Hortense Bernard s’attache à consolider la notoriété de Millésima, en communiquant sur la dimension familiale de l’entreprise, sur l’image de « savoir-vivre à la française » qui accompagne l’univers des vins haut de gamme et qui fait rêver les Américains. « Savoir que Millésima possède des chais à Bordeaux les rassure et leur offre une garantie de sécurité extrêmement importante », indique Hortense Bernard.
À la fin des années 2010, les États-Unis représentent 15% du chiffre d’affaires de Millésima.

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